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vendredi 13 mai 2016

"Réparer les vivants"

Nous sommes aujourd'hui le 13 mai 2016. Il y a 6 mois jour pour jour, le vendredi 13 novembre 2015, Paris était frappée dans son coeur, dans ses valeurs. La vie, pourtant sacrée et qui ne devrait jamais être otée arbitrairement, a noté son point final pour 130 personnes. 130 destins brisés, 130 âmes fauchées en plein vol, mais aussi toutes ces autres victimes : celles et ceux qui étaient présents sur les lieux de cette funèbre tragédie, mais également leurs amis, leurs familles, leurs collègues.

Aujourd'hui, j'ai envie de rendre hommage à toutes ces personnes, mais j'ai également envie d'adresser mon soutien à celles et ceux qui ont vécu ces événements de chez eux, impuissants. Celles et ceux qui ont cherché à joindre plusieurs personnes en attente de nouvelles, en priant presque inutilement un dieu en lequel elles n'ont jamais cru.
J'ai aussi envie de penser à cette femme qui m'avait bouleversée le lundi 16 novembre, dans le métro (cf : ICI). Je doute qu'elle passe un jour ici, mais si par hasard c'était le cas, je lui adresse tout mon amour, tout mon bonheur, tous mes sourires et ma gratitude quotidienne de vivre, tout simplement.

Parce que même 6 mois après, les souvenirs sont toujours là, toujours aussi nets dans nos esprits, et que la jeunesse de milliers de Français aura été terni par des personnes haineuses et égarées. 6 mois après, nous n'oublions pas, nous n'oublierons jamais. Il s'agit alors de "réparer les vivants", comme le titrait Axel Cadieux pour le Society n°20 (du 27 novembre au 10 décembre).
D'un point de vue psychologique et psychiatrique, l'épisode de stress post-traumatique (ESPT) ne concerne pas uniquement les personnes qui ont été présentes sur les lieux d'une tragédie. Non, il concerne toutes celles et ceux qui en ont été affectés, de près comme de loin. Je pense que chacun à notre échelle, chacun avec une intensité différente, nous avons connu un ESPT. Et c'est ensemble que nous parviendrons à en apaiser la douleur.

Alors en ce 13 mai 2016, pour rendre hommage aux victimes et aux vivants, j'ai envie de partager avec vous le récit témoignage "Vous n'aurez pas ma haine" du journaliste Antoine Leiris.
Cet homme a perdu sa femme, Hélène, au Bataclan. Alors qu'il passait la soirée à la maison avec son fils Melvil, il assiste impuissant aux images diffusées en boucle par les chaînes d'information. Son témoignage aura été salvateur pour lui : par la plume, il exorcise sa tristesse, son chagrin, sa peine, mais surtout, il nous montre que la vie doit malgré tout continuer, pour chacun d'entre nous. Le titre de son récit, "Vous n'aurez pas ma haine", est incroyablement fort

Je trouve Antoine Leiris admirable et digne, parce que bien que je n'ai perdu personne cette nuit-là, les responsables de cette tragédie ont eu ma haine dès les premières minutes, et ils l'auront jusqu'à la fin de ma vie, et même au-delà, j'en suis persuadée. Ils ont aussi ma haine puisqu'ils réussissent à créer un climat de méfiance et de tension dont souffrent actuellement les citoyens français de confession musulmane. J'ai été témoin de nombreuses réactions plus que limites depuis ce 13 novembre, et je sais que c'est en grande partie à cause d'eux. Je les hais également pour ça, pour semer la haine encore plus, et tenter de nous séparer les uns des autres, quelles que soient nos opinions, nos croyances ou nos modes de vie, encore une fois, comme si l'Histoire ne l'avait déjà pas assez fait.
Je trouve Antoine Leiris admirable et digne, puisqu'il a dû, en plus d'affronter la réalité et son chagrin, continuer de vivre, au moins pour son jeune fils.
Je trouve Antoine Leiris admirable et digne, puisqu'il aurait été plus simple pour lui de haïr ces personnes ; mais il ne l'a pas fait.
Je trouve Antoine Leiris admirable et digne, puisqu'il admet ses faiblesses et ses craintes pour l'avenir : le sien et celui de son enfant à qui il devra un jour expliquer pourquoi sa maman n'est plus là.

Le 16 novembre, Antoine Leiris postait une message particulier sur son mur Facebook. J'ai envie à mon tour de le partager avec vous puisqu'il résume en grande partie le ton de son témoignage :

"Vendredi soir, vous avez volé la vie d'un être d'exception, l'amour de ma vie, la mère de mon fils mais vous n'aurez pas ma haine. Je ne sais pas qui vous êtes et je ne veux pas le savoir, vous êtes des âmes mortes. Si ce Dieu pour lequel vous tuez aveuglément nous a faits à son image, chaque balle dans le corps de ma femme aura été une blessure dans son coeur.

Alors non je ne vous ferai pas ce cadeau de vous haïr. Vous l'avez bien cherché pourtant mais répondre à la haine par la colère ce serait céder à la même ignorance qui a fait de vous ce que vous êtes. Vous voulez que j'aie peur, que je regarde mes concitoyens avec un oeil méfiant, que je sacrifie ma liberté pour la sécurité. Perdu. Même joueur joue encore.

Je l'ai vue ce matin. Enfin, après des nuits et des jours d'attente. Elle était aussi belle que lorsqu'elle est partie ce vendredi soir, aussi belle que lorsque j'en suis tombée éperdument amoureux il y a plus de douze ans. Bien sûr je suis dévasté par le chagrin, je vous concède cette petite victoire, mais elle sera de courte durée. Je sais qu'elle nous accompagnera chaque jour et que nous nous retrouverons dans ce paradis des âmes libres auquel vous n'aurez jamais accès.

Nous sommes deux, mon fils et moi, mais nous sommes plus forts que toutes les armées du monde. Je n'ai d'ailleurs pas plus de temps à vous consacrer, je dois rejoindre Melvil qui se réveille de sa sieste. Il a dix-sept mois à peine, il va manger son goûter comme tous les jours, puis nous allons jouer comme tous les jours, et toute sa vie ce petit garçon vous fera l'affront d'être heureux et libre. Car non, vous n'aurez pas sa haine non plus."

Antoine Leiris était sur le plateau de l'émission "On n'est pas couché" de Laurent Ruquier du 7 mai. Voici son passage :

"Vous n'aurez pas ma haine" est un récit magnifique que j'ai gravé dans ma mémoire à tout jamais afin de m'inspirer de la détermination et du courage de cet homme, pour affronter tous les moments noirs de ma vie. Je sais que ce n'est pas possible, mais j'aimerais beaucoup avoir des nouvelles d'Antoine Leiris d'ici 5 ans, ou même 10 ans.
J'aimerais discuter avec lui, prendre de ses nouvelles, savoir s'il va bien, tout simplement.

6 commentaires:

  1. Coucou Ariane ! :)
    Très bel article. Même si ma famille n'a pas été touchée par ces attentats, j'en a fait des cauchemars horribles pendants plusieurs semaines. J'en ferai encore. C'est la vie. Je lirais bien le témoignage de cet homme. Merci pour le partage en tout cas ma belle <3
    Bisous.

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  2. Coucou Ariane, encore une fois tu as su me toucher au travers de tes mots et ton article si beau et si bien écrit... C'est dur d'y repenser, tous ces coeurs et familles brisées, pour rien ... :(

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  3. J'aime beaucoup ta façon d'écrire Ariane ! Même six mois après, dès que j'y pense j'ai envie de pleurer...

    Bises ♥

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  4. J'ai à la fois envie et pas envie de lire ce livre, envie parce que ça me touche et que c'est un hommage magnifique que d'écrire un livre en mémoire de sa femme, et en même temps je suis tellement sensible que ça va me faire broyer beaucoup trop de noir :( mais je suis comme toi, je suis toujours choquée et chaque fois que je parle des attentats les larmes et la colère me montent :( <3

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