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dimanche 22 avril 2012

"Les filles, on est en régionales !"

Durant tout le mois d'octobre, je suis restée immobilisée à la maison. Pourquoi ? Parce qu'un abruti d'automobiliste m'a roulé dessus le 6 octobre !
Bref, accompagnée de mon gros plâtre, de mes béquilles et de ma plaquette de Codoliprane, j'ai eu le temps de... m'ennuyer. Du coup, après avoir fait le tour du net, après avoir regardé les matches du matin (c'était pendant la Coupe du Monde de Rugby), j'ai eu une petite envie d'écrire (complètement fictif).
L'autre jour, je faisais le tri sur ma clef USB, et je l'ai relu. J'ai d'abord pensé à supprimer le fichier, mais... finalement, non ! Du coup, j'ai eu envie de partager cela avec vous.
N'hésitez pas à me donner votre avis.

***
**
*

" Elles sont sympas, les filles de Nanterre : le week-end on s’installe parfois à une terrasse de café avec quelques-unes d’entre elles, on sirote un soda light et on se raconte notre semaine, le visage tourné vers le soleil. Mais sur le terrain, nous sommes complètement différentes. Aujourd’hui, on joue nos qualification pour les régionales, alors aucune entente amicale ne tient ici. C’est étrange, parfois, de suer larmes et sang contre des filles avec qui on va faire les boutiques, pendant les vacances. Mais le sport est ce qu’il est : sur le terrain, c’est chaque équipe pour la sienne. Rien de plus.

D’après le kiné, je ne devrais pas jouer ce match : mon genou, blessé il y a 3 mois, me fait encore beaucoup souffrir, mais ce match est particulier. Il fallait que je le joue, je devais fouler la pelouse aujourd’hui. Ma genouillère me gratte un peu, et il me tarde que l’arbitre siffle la fin du match : il faut absolument que je m’applique quelque chose, sinon, je finirai la journée aux urgences, c’est tout.
Je regarde l’horloge parlante du petit stade dans lequel nous jouons. 72 minutes. Je sais que je peux tenir encore 8 minutes. Ce sera dur, mais faisable. Largement faisable. Le score est en notre faveur, mais nous ne pouvons pas nous permettre de ne rien faire. 11-13.

A regarder le panneau, j’en perds les esprits, et Alyssa, la jeune ailier Nanterroise a réussi à se faufiler. Merde tiens ! Avec les filles, on se regarde, tout en courant après Alyssa. Le regard d’Emma, notre capitaine, est noir, et je sais qu’elle n’attend qu’une chose : me blâmer. Mais je dois l’admettre, j’ai fait une sacrée connerie, je dois absolument l’empêcher de marquer ce fichu essai. Mais c’est qu’elle est rapide, Alyssa. L’équipe de Nanterre a une attaque de folie, et leurs joueuses sont très endurantes. Alyssa fait la passe à Léa. Une de nos avants lui fait une cuillère, mais la demie de mêlée se relève plus vite que la lumière, passe le ballon à une de ses coéquipières qui s’écrase au sol, marquant ainsi le second essai de son équipe. Les 9 sont fourbes, je l’ai toujours dit. Et ce n’est pas aujourd’hui que mon avis va changer. 16-13. 73 minutes. Les filles nous passent devant, et la qualif’, elle, nous passe sous le nez. Il manquerait plus que Léa transforme.
Elle transforme. 18-13.

Je l’aimais bien, Léa… avant.

Mon genou me fait souffrir, il ne nous reste que 7 minutes, mais je veux jouer les championnats d’Île-de-France. Les Nanterroises tentent de faire tourner le chrono pendant les derniers instants du match. Visiblement, elles nous connaissent mal : nous n’allons pas leur offrir cette qualification. Jamais. Avant que je ne relance le jeu, Emma nous réunis. Emma, c’est un peu la mama du club : avec elle, tu files droit, ou tu es out. Emma ne blâme pas les erreurs ou les « mauvais jours ». Emma blâme la nonchalance et la lâcheté. Dans la vie de tous les jours, c’est le genre de fille toujours de bonne humeur, discrète, qui ne s’énerve jamais. Sur le terrain, elle est méconnaissable. Avec les filles, on l’appelle la Louve : une vraie tête de meute. Vous touchez à un de ses petits (nous) ? C’est simple, elle charge !
Emma a une trentaine de secondes pour nous secouer : « Les filles, on va pas se laisser faire, ok ? Nous sommes à Nanterre, sur leur terrain. Le terrain d’un des clubs féminins les plus talentueux d’Île-de-France. Alors notre qualif’, on va l’avoir, ok ? Tu es plaquée ? Tu te lèves, c’est tout ! Et quand tu en plaques une, tu fais tout pour qu’elle reste au sol. C’est compris, les filles ? ».
Oui, Emma motive. Ni une ni deux, je relance le jeu. Les Nanterroises ont aussi eu le temps de se concerter, et je n’ose même pas imaginer ce qu’a pu leur dire Camille, leur capitaine, elle aussi, assoiffée de jeu. Notre seul objectif : l’essai. La ligne s’étend, au loin, devant nos yeux, et nous n’avons pas le choix : c’est l’essai, ou le banc de touche. Je veux passer les championnats d’Île-de-France sur les terrains, et non pas dans les gradins.
Mais Nanterre ne l’entend pas de cette oreille. La vache, que ces filles sont hargneuses !
Grosse période de jeux : nous sommes toutes déchaînées.

Alyssa fonce au sol. On essaie de lui retirer la balle, mais rien. Non mais attends : elle garde la balle au sol, là, je rêve ou quoi ? Dans l’action, on entend ses coéquipières lui dire « Aly, lâche ça, lâche-là ! ». Alyssa est têtue. Après tout, nous on veut bien la laisser faire : arrivera bien un moment où l’arbitre sifflera et les filles se prendront une pénalité. Élodie, notre demie de mêlée qui elle, n’est pas fourbe, regarde l’arbitre dans les yeux, les bras écartés. Et comme les 9 sont grandes gueules, elle en rajoute une couche : « Mais monsieur, ça fait au moins 10 secondes qu’elle la garde, là, non ? ». Gérard, l’arbitre donne un avertissement : « Verte, lâchez la balle, lâchez la balle ! ». Alyssa n’obtempère pas. Gérard ramène les bras sur sa poitrine : ballon gardé au sol, pénalité pour nous.

Mais qui va la tirer ? Élo ou moi ? Je déteste ces moments-là… Finalement, c’est Emma qui tranche : je vais la tirer. Pénalité plutôt facile pour moi : nous sommes à 30m, et je suis du côté de mon bon pied. Joli cadeau de la part de l’équipe de Camille ! J’inspire un bon coup. Elle passe. 18-16.

Le jeu est relancé, il ne nous reste que 3 minutes. On peut le faire, on peut le faire, je le sais ! C’est notre arrière, Nathalie, qui mène la danse. Nath intercepte le ballon et fonce. Mais c’est là qu’une de nos adversaires, Cécile, va commettre l’irréparable. La troisième ligne centre fonce vers Nath et la plaque haut. Très haut. Sous ce violent coup, Nath tombe au sol. On s’approche, inquiètes pour elle. Nathalie a des hématomes au cou ! Cécile est une malade : cette fille ne contrôle pas sa force et, visiblement, n’a toujours pas compris que les plaquages au-dessus des épaules sont interdits.
Alerté par l’action, Gérard arrive. Il a la main près de sa poche de jogging, celle que nous appelons entre nous la ‘poche aux jaunes’. Il examine la situation, appelle Cécile et les deux capitaines, Emma et Camille. Ça ne sent pas bon pour Nanterre, ça.

La sanction tombe. L’arbitre sort de sa poche un rectangle jaune. Cécile est out. 79 minutes. Nous comprenons alors que l’arbitre va nous accorder une pénalité. 18-16, l’occasion de passer 3 points, de prendre l’avantage et donc, de se qualifier. L’arbitre lève le bras et regarde vers nous. C’est à cet instant que 14 visages se tournent vers moi. Je vais tenter la pénalité. Je vais tenter la qualification.
La pénalité n’est pas loin, 27m, mais en coin. Je suis la derrière chance de notre qualification.

Jamais une telle pression n’a pesé sur mes épaules. Jamais. Gérard m’amène un plot bleu. Je resserre les lacets de mes crampons, me refait ma queue de cheval. Je jette un dernier coup d’œil aux filles, mais aussi aux quelques proches qui sont venus nous voir, dans les gradins. Je recule, recentre mon équilibre. Pour la première fois de la saison, je comprends ce qu’est le poids qui pèse parfois sur les buteurs des équipes… une sacrée responsabilité ! Selon beaucoup, le demi d’ouverture est un ‘artiste’, celui qui créé la cadence de l’équipe, qui invente et rythme le jeu. Aujourd’hui, je suis bien plus que cela. Je suis le dernier espoir de toutes les filles, mais aussi de Claude, notre entraîneur.
J’inspire un bon coup et je m’élance. L’instant paraît durer une éternité. Je regarde la balle partir tout en retenant mon souffle.

La balle passe entre les perches. L’arbitre siffle, lève le drapeau et siffle deux fois de suite. Le match s’achève. 18-19.

Les filles accourent vers moi. Elles me hurlent des choses dans l’oreille, mais au milieu de cette euphorie et de ces cris, je n’entends rien. Je me dégage de leur étreinte, et complètement enivrée, j’hurle à mon tour : « Les filles, on est en régionales ! ». "

Crédit photos : WeHeartIt, Ariane P.

13 commentaires:

  1. J'ADORE !!! :D C'est du vécu ? :)

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  2. Ah que je suis bête, j'avais zappé le "fictif" entre parenthèse. Sorry. Mais j'adore, pour la deuxième fois. :p

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  3. Si y avait autre chose que " WOAW " à dire, je le dirais. Mais non, il n'y a pas. Alors ... bah, WOAW !

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  4. J'adore :)
    Et quel con l'autre qui ta roulé dessu :O

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    1. Les rues de Paris sont très, très dangereuses !!!
      Puis bon, c'est du passé, maintenant :)

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  5. Woaw j'aime beaucoup !
    Et sinon ils gèrent la fougère nos Espoirs, c'est génial ! :D

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  6. Promis je le lirais en rentrant samedi prochain (là il faut que j'aille faire dodo pour partir demain^^)

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  7. Ah ouais, tu écris et tu ne me l'avais jamais dit ?
    Et c'est pas mal, en plus, Poulette !

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    1. Merci Julius !
      Je ne peux pas tout dire non plus, il faut que je garde la partie cachée de moi-même, non ? ;-)

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  8. thanks for all the comments hun!.. x

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  9. J'aime beaucoup ton histoire elle est très bien écrite ! :)
    Tu en a écrit d'autres ?

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