Après Mathias Malzieu en novembre (à relire ICI), je
viens vous parler aujourd’hui d’Albert Cohen, grand auteur français du XXème
siècle, et qui le reste encore, même plus de 30 ans après sa disparition.
J’ai découvert Albert Cohen relativement
tard, l’année dernière, lors d’un cours. L’extrait étudié provenait de Belle du
Seigneur qui est certainement la plus belle, mais aussi la plus complexe, des
œuvres de Cohen. J’ai tout de suite apprécié sa plume, son style, le rythme de
son écriture, son style, ses jeux avec les mots, les phrases et les
expressions. J’ai donc attendu la fin de l’année (cet été) pour me lancer dans
cette grande œuvre (dans tous les sens du terme : plus de 1000 pages,
quand même), et je suis tombée amoureuse de cet auteur. Presque dans la foulée,
j’ai lu Solal, roman écrit avant Belle du Seigneur qui, comme son titre
l’indique, met en lumière un des personnages principaux de la grande fresque de
Cohen. Et malgré le caractère manipulateur et séducteur de Solal, on aime le
maudire, et on aime tomber dans ses pièges. Entre vous et moi, je mets
d’ailleurs le prénom Solal sur la liste des potentiels prénoms pour mes
enfants.
Malgré son immense talent, Albert Cohen
n’a pas écrit beaucoup d’œuvres, mais elles sont toutes de grandes qualités. Si
Belle du Seigneur fût réellement l’œuvre de sa vie, Albert Cohen a également
signé de sacrés chef-d’œuvre, notamment Ô vous, frères humains qui est très
émouvant et bouleversant. Victime dès son plus jeune âge d’antisémitisme, Albert
Cohen aborde tous les thèmes : amour, argent, famille, pouvoir, mais
aussi, et surtout, l’injustice.
Tout me plait chez cet auteur qui manie
aussi bien l’humour que l’émotion, la narration que la description. Je vous
conseille chacune de ses œuvres, puisqu’elles sont toutes d’une immense
qualité, très passionnantes et instructives.
Certainement une de mes plus belles
découvertes littéraires de ma vie.
A lire :
* Paroles juives (1921)
* Solal (1930)
* Mangeclous (1938)
* Le Livre de ma mère (1954)
* Ezéchiel (1956)
* Belle du Seigneur (1968), Grand prix
du roman de l'Académie française
* Les Valeureux (1969)
* Ô vous, frères humains (1972)
* Carnets 1978 (1979).
Quelques citations :
« Ariane, ses yeux soudain traqués
lorsque, dissimulant son amour, il inventait une froideur pour être plus aimé
encore, Ariane qui l'appelait sa joie et son tourment, son méchant et son
tourmente-chrétien, mais aussi frère de l'âme, Ariane, la vive, la tournoyante,
l'ensoleillée, la géniale aux télégrammes de cent mots d'amour, tant de
télégrammes pour que l'aimé en voyage sût dans une heure, sût vite combien l'aimante
aimée l'aimait sans cesse, et une heure après l'envoi elle lisait le brouillon
du télégramme en même temps que lui, pour être avec lui, et aussi pour savourer
le bonheur de l'aimé, l'admiration de l'aimé. »
Belle du Seigneur
« Nous sommes le monstre d'humanité
car nous avons déclaré combat à la nature. »
Solal
« Les autres mettent des semaines
pour arriver à aimer, et à aimer peu, et il leur faut des entretiens et des
goûts communs et des cristallisations. Moi, ce fut le temps d'un battement de
paupières. Dis-moi fou, mais crois-moi. »
Belle du Seigneur
« Le sommeil a les avantages de la mort sans
son petit inconvénient. »
Le Livre de ma mère
« Ils font des guerres,
explosa-t-il soudain, mais ils disent qu'ils s'aiment les uns les autres !
Expliquez-moi, ô mes amis des pistaches, ce mystère de leur foi. »
Mangeclous
« La vieillesse est un décès par petits
morceaux. »
Ô vous, frères humains
« Un peuple poète. Un peuple
excessif. Chez nous, les grotesques le sont à l’extrême. Les avares, à
l’extrême. Les prodigues, et il y en a beaucoup plus, à l’extrême. Les
magnifiques, à l’extrême. Le peuple extrême. »
Solal
« Mon âme n’est pas un impalpable
ectoplasme à gogos. Mon âme, c’est moi. »
Carnets 1978
« Devenus protocole et politesses
rituelles, les mots d'amour glissaient sur la toile cirée de l'habitude. »
Belle du Seigneur
« Ayez pitié de vos frères en la
mort. »
Ô vous, frères humains
Connaissez-vous les œuvres d’Albert
Cohen ?